La culture doit être accessible à tous, sans exception. C’est le leitmotiv du Théâtre de Nîmes, une scène conventionnée art et création danse contemporaine, qui depuis près de 20 ans s’attache à favoriser l’accessibilité des personnes en situation de handicap sensoriel, mental ou psychique aux spectacles qu’il programme. Parmi les initiatives spécifiques mises en place, l’utilisation des gilets vibrants pour permettre aux personnes déficientes auditives de ressentir la musique est un véritable succès. Découvrez à travers l’interview de Adèle Brouard, Comment le Théâtre de Nîmes utilise les gilets vibrants pour améliorer l’expérience musicale des personnes Sourdes et malentendantes.
- Bonjour Adèle, pouvez-vous vous présenter, ainsi que vos fonctions au sein du Théâtre de Nîmes ?
Bonjour, je suis chargée des relations avec le public au Théâtre de Nîmes, une scène conventionnée art et création danse contemporaine. Je suis également autrice d’audiodescriptions.
- Le Théâtre de Nîmes est souvent cité en exemple pour l’accessibilité de sa programmation, pourriez-vous nous décrire les initiatives spécifiques mises en place ?
Depuis presque 20 ans, le Théâtre de Nîmes développe des dispositifs techniques favorisant l’accessibilité des personnes en situation de handicap sensoriel, mental ou psychique aux spectacles programmés. Nous proposons chaque saison des audiodescriptions de pièces de théâtre, de danse, ainsi que des adaptations en Langue des Signes Française. Autour des spectacles, nous animons des visites tactiles des décors, des ateliers de pratique artistique, des rencontres avec les artistes et un accueil spécifique sur les spectacles « naturellement accessibles ». Entre 2013 et 2022, 7 salariés (service des relations avec le public et billetterie) ont suivi une formation en LSF. Ces actions s’inscrivent dans une politique globale d’accueil des publics, avec la volonté forte de rendre la culture accessible à toutes et tous. Nous travaillons tout au long de la saison en étroite collaboration avec le tissu associatif ainsi qu’avec les structures de soin et de santé de la région.
- Pourriez-vous nous expliquer comment les gilets vibrants de TiMMPi sont utilisés pour améliorer l’inclusion des personnes Sourdes et malentendantes ?
En 2018, et en 2022 grâce au fond d’accessibilité de la DRAC Occitanie, le Théâtre de Nîmes a pu s’équiper de 12, puis de 6 gilets vibrants. Le public Sourd est très réceptif à ce nouvel équipement innovant, qui favorise la découverte, contribue à l’appropriation d’un contenu artistique parfois très éloigné et permet une meilleure accessibilité, notamment sur les spectacles visuels à forte intention musicale. Les propositions chorégraphiques, axe majeur de la programmation du Théâtre de Nîmes se prêtent particulièrement bien à l’utilisation des gilets.
- Comment le Théâtre de Nîmes sélectionne-t-il les spectacles pour s’assurer que les gilets vibrants soient utilisés de manière optimale ?
Il y a de nombreux éléments à prendre en compte, et pour être sûre de la pertinence de la proposition, je regarde toujours les spectacles en amont dans leur intégralité. La première chose, c’est bien sûr de s’assurer que les sons du spectacle sont amplifiés ou que le son est « repiqué ». Sur un concert de musique classique sans console son, sans captation, les gilets ne fonctionneront pas. Ensuite, et ce sont les nombreux échanges que j’ai régulièrement avec la communauté Sourde qui me guide, je privilégie des spectacles très fort visuellement. Peu importe la discipline : danse, musique, théâtre, concert, que ce soient des productions très contemporaines ou plus grand public, il faut que les images « racontent » quelque chose. D’autre part, il est évidemment indispensable de prévoir une adaptation en LSF s’il y a du texte. Les gilets sont une valeur ajoutée en termes de sensations mais ne traduisent pas la langue.
- Pouvez-vous nous donner des exemples de comment les gilets vibrants ont amélioré l’expérience musicale pour les personnes Sourdes et malentendantes ?
Je pense que l’atout principal pour le public sourd est de ne plus être coupé de l’intention musicale. Rythmique, dynamique, intensité, atmosphère… les vibrations permettent de façon assez fine de rendre compte de l’ambiance du plateau. Sur un spectacle très visuel, avec une adaptation en LSF pour la partie texte et de la musique live, on arrive vraiment à une expérience intéressante et assez complète.
- Comment le Théâtre de Nîmes évalue-t-il l’efficacité de l’utilisation des gilets vibrants pour la médiation culturelle ?
L’acquisition des gilets a conforté notre approche en termes d’accessibilité. Nous souhaitons accompagner les publics lorsque c’est nécessaire, mais surtout mettre en place toutes les conditions pour renforcer l’autonomie des personnes concernées. A titre d’exemple, le spectacle Portés de Femmes (Projet.PDF), que nous avons accueilli il y a quelques années avec une adaptation LSF produite par l’association Accès Culture, enchaînait avec une « boum », animée par DJ Fillette. Equipé des gilets, le public Sourd a suivi le mouvement, pour un vrai moment de partage avec les entendants, bien curieux d’ailleurs d’essayer à leur tour les gilets. Nous avons également touché de nombreuses familles, ainsi que des classes ULIS, les gilets représentant un atout ludique pour les plus jeunes. Nous allons d’ailleurs prochainement faire des ateliers de danse contemporaine avec un petit groupe d’enfants, tous équipés de gilets. Y compris l’intervenant danse bien sûr ! Il y a encore beaucoup de choses à explorer ou à inventer. Avec la communauté Sourde nous réfléchissons à une expérience immersive sensorielle qui pourrait intéresser les personnes atteintes du syndrome d’Usher, une maladie qui associe perte d’audition et perte de la vue.
- Pouvez-vous nous parler des défis que vous avez rencontrés dans l’utilisation des gilets vibrants pour la médiation culturelle et comment vous les avez surmontés ?
Nous n’avons pas rencontré de réelles difficultés si ce n’est des petits bugs techniques qui peuvent donner un coup de chaud en plein spectacle. La mise en place et l’utilisation est vraiment simple. Cependant à mon sens, il est indispensable d’avoir initié une démarche d’accessibilité avant de s’équiper. Et que cette démarche soit globale. Il faut penser l’accueil. Comment équiper les spectateurs et spectatrices Sourd.e.s signant.e.s si personne n’est en capacité de les accueillir ? Il est également très important que l’ensemble des équipes (y compris artistiques), de la structure, du festival, de l’évènement, soit sensibilisé. Les gilets vibrants restent un outil, dont l’intérêt n’a de sens que si l’on prend en compte les spécificités, les envies et les contraintes des personnes Sourdes et malentendantes. Et la meilleure façon de le faire c’est de les connaître, les impliquer et de s’appuyer sur les structures locales, les lieux de formations ou de soin.